Grand Chaperon Rouge

Conte urbain non aseptisé à ne pas glisser dans l'oreille d'un enfant...

Publié le 17 avril 2015
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Le petit chaperon rouge avait perdu sa mémé. Engloutie. Dévorée. Littéralement bouffée.

Ça tombait mal, parce qu’elle l’aimait bien, sa mémé. Et puis bon, déjà que c’est pas facile de faire le deuil d’un proche, alors quand en plus il reste des bouts de mémé sur le tapis de la chambre et du sang autour de la bouche du loup, y a vraiment de quoi traumatiser un gosse…

Et bien c’est ce qui est arrivé…

Fini la féérie de la forêt avec tous ces gentils petits animaux qui font une haie d’honneur aux jolies petites filles qui passent par là en fredonnant des chants naïfs à tue-tête et en cueillant des baies roses fluo pour en faire de bonnes tartes…

Bienvenue dans l’enfer du traumatisme, quand le bitume défoncé et les buildings désaffectés deviennent les composantes du paysage d’un conte qui a mal tourné…

GrandChaperonRougeWeb

Dans le monde de Grand Chaperon Rouge, les chiens errants lacèrent les poubelles qui jonchent les arrière-cours puantes et les poivrots viennent dégueuler leurs tripes sur les trottoirs, lieux où Grand Chaperon Rouge passe la majeure partie de ses soirées. Elle en connaît un paquet, des trottoirs différents, parce qu’elle a pris l’habitude de changer de spot pour éviter de se faire choper par les flics. La garde-à-vue n’a pas vraiment de secret pour elle, ça lui donne l’occaz de boire un peu d’eau pas trop croupie gratis et de pisser ailleurs que le cul nu dans la rue, mais bon ça empêche de bosser et de gagner des ronds… alors si elle peut s’épargner un ptit séjour au trou, ça l’arrange…

Ses clients l’appellent Grand Chaperon Rouge parce qu’elle met toujours sur sa tête la capuche de son vieux ciré ocre, même quand il ne pleut pas. C’est pour cacher ses trois poils sur le caillou, parce qu’avec la vie qu’elle a mené, elle a chopé la pelade… Et puis elle se dit que son capuchon, c’est un peu ce qu’il lui reste de dignité…

Le jour, Grand Chaperon Rouge dépense le peu de fric qu’elle a gagné en tapinant pendant la nuit. Quand elle est arrivée en ville des années-lumière plus tôt, une vieille pute l’a prise sous son aile et lui a tout appris. C’est elle qui lui a montré comment préparer la meilleure mixture de colle à sniffer avec le moins de thunes possible. Mais le problème avec la colle, c’est que ça fait effet pas assez longtemps. Elle a bien essayé le crack, mais vue sa descente ça revenait trop cher. Alors elle se rabat sur la colle.

Ce soir-là, il fait un froid de canard et Grand Chaperon Rouge est trempée sous son parapluie qui prend la flotte. Elle sait bien qu’avec un temps pareil, les rares habitués qui viennent s’amuser avec elle sont soit en train de se murger au rade miteux de la rue principale, soit en train de décuver en sirotant une binouze devant un match de catch.

Grand Chaperon Rouge décide de s’arracher de là et de rejoindre son campement. Elle traverse la route et pas de chance, un taxi la dégomme. Il a même pas eu le temps de freiner : avec la buée et la pluie, il avait rien vu.

Ce soir-là, y a personne dans les rues. Le chauffeur de taxi repart en trombe. Grand Chaperon Rouge gît sur le macadam, le corps démantibulé. Son sang ruisselle le long du trottoir et s’écoule dans le caniveau.

Dans les égouts, une colonie de rats se forme. Ils remontent la rue en suivant le filet de sang, et se ruent sur la chair à vif, comme des mouches le feraient sur une merde. Ça faisait un bail qu’ils ne s’étaient pas offert pareil festin.

Moralité : Même si tu nais dans un conte de fées, méfie-toi, tout n’est pas gagné…

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