Le Grand Marin

C’est un choc dès la lecture de la première phrase. Le bras se prend dans l’engrenage, puis le corps tout entier. Ca secoue et c’est grisant de se trouver là, à la merci de la plume de Catherine Poulain, crue et tellement poétique. La petite française se confronte. Elle part pêcher la morue noire et le flétan en Alaska. Pendant dix ans, elle se mesure à une vie qu’on ne lui aurait pas choisie, serre les dents et ravale sa salive. Comme pour mieux éprouver ce bout du monde, elle s’enfile les cœurs encore battants de poissonnaille à l’agonie. Elle veut (se) démontrer qu’elle a sa place à bord, avec ceux qui endurent. A travers ce premier ouvrage, Poulain tacle avec classe l’idéal d’un monde meilleur tout en y cueillant son bonheur à elle, à grandes lampées de bière et de vodka. On se croirait dans les bouges de chez Jack London, ça braille et ça empeste l’alcool et le poisson. Dans le creux de mes draps j’admire, je me laisse bringuebaler par la rudesse de la mer, je tire mon chapeau à la femme. Et je garde, après coup, des odeurs, des saveurs, des images, des sensations. L’impression d’avoir vécu un grand voyage.